État des lieux des prises en soin du langage écrit
À l’heure où la démarche Evidence Based practice (EBP) est en tête d’affiche de nombreuses formations continues, il est normal de se poser des questions quant à notre efficacité dans les prises en soin du langage écrit et plus particulièrement celui de l’orthographe.
Comment éviter un travail « scolaire » et mener un travail orthophonique qui relève du soin ?
Bon nombre de mes collègues finissent par bouder les rééducations du langage écrit par découragement, manque de reconnaissance de ce travail trop souvent assimilé à du soutien scolaire. J’ai été dans ce cas présent au début de ma pratique. Rapidement, je me suis heurtée à ce travail colossal de l’orthographe. Alors, j’ai dû m’adapter et le rendre plus spécifique et génératif pour aider mes patients et viser l’autonomie.
Mes formations continues m’ont proposé un regard nouveau sur l’orthographe et enfin un angle plus spécifique : celui du soin orthophonique en langage écrit.
Je vous propose ici deux objectifs généraux à garder en tête pour une rééducation du langage écrit.
1. Montrer la régularité orthographique
Les écrits des patients avec trouble spécifique du langage écrit (dysorthographie) nous donnent souvent des indices sur leur manque de compréhension des régularités orthographiques du français. Pas plus tard que la semaine dernière, lors d’une séance de rééducation du langage écrit, ma patiente écrit une phrase et note « Elle qoupe » pour « elle coupe ». À ce moment, je comprends que ma patiente n’a pas encore assimilé que la régularité orthographique des mots qui commencent pas /ku/ (c’est à dire le son « cou » en phonétique) est : cou-.
Je vais donc m’emparer de cette observation pour lui proposer des mots qui commencent par cou- et lui montrer cette régularité au fil d’exercices de devinettes, d’écriture de mots sous dictée etc … Les mots ciblés par mon travail seront par exemple : couleur, courir, coude, couloir …
Si le sujet des régularités orthographiques vous intéresse, j’aime particulièrement m’appuyer sur le rapport de stage à l’université du Québec en Outaouais de Mélanie Dutemple . Son travail répertorie un nombre conséquent de régularités orthographiques dans notre langue qu’est le français. Indispensable à mon sens pour les orthophonistes !
Aussi, Nina Catach a créé un tableau qui recense les graphèmes par niveau de fréquence. C’est une ressource précieuse qui peut aider les orthophonistes et logopèdes à faire des choix en terme d’ordre de présentation des graphèmes dans leur rééducation.
Pour terminer sur ce premier axe de rééducation de l’orthographe, il me semble important de souligner qu’il est intéressant de proposer aux parents de repérer ces régularités dans les dictées à préparer à la maison. Vous retrouverez dans les articles du blog la thématique comment réviser une dictée. Aussi, je vous recommande vivement le compte instagram de @latelierdelorthophoniste qui aborde avec passion cette thématique.
2. Montrer un système génératif : la morphologie dérivationnelle
La rééducation du langage écrit qui cible l’orthographe aborde à tous les coups la notion puissante de la morphologie dérivationnelle. Les préfixes et suffixes apportent aux patients un système génératif puisque 80% des mots en français sont construits sur ce principe. En effet, 80% des mots de notre langue ont pour origine le latin (Huot, 2001) et donc respecte ce principe de morphologie.
Ainsi, proposant de manière explicite de manipuler et comprendre le principe de construction des mots en français, on enrichit de manière significative l’orthographe de nos patients avec trouble spécifique du langage écrit (dysorthographie).
Les supports proposés en rééducation sont souvent papier/crayon et motivent peu les patients. Force de ce constat, j’ai créé un support manipulable et ludique qui permet de faire découvrir le principe des suffixes : Morpho toutou. En faisant défiler les radicaux (tête de chien), l’enfant comprend que la fin du mot n’a pas changé. Il a découvert le principe des suffixes et par conséquent celui de radical.
Ce travail ludique proposé par les cartes Morpho Toutou a été allongé et complexifié dans un tome 2 : Morpho Toutou 2.
Ce nouveau matériel de rééducation de l’orthographe propose la découverte des préfixes, allongements et suffixes. Un travail de manipulation et de création de mots permet de s’approprier le travail de morphologie dérivationnelle et d’en comprendre sa puissance de générativité.
En conclusion, les régularités orthographiques et la morphologie dérivationnelle sont deux axes phares de la rééducation orthophonique du trouble du langage écrit. En proposant aux patients ce qui est régulier dans notre langue française en orthographe et en leur montrant le principe de construction des mots, on leur donne les outils nécessaires pour améliorer leur orthographe de manière significative.
À bientôt pour de nouveaux articles !
Camille et Plume
